D’Odile Decq, je connaissais le travail sur les couleurs – et quand on parle de couleur à son propos c’est d’abord de noir dont il s’agit. Architecte de la tension, et même de l’hypertension, je savais qu’elle n’aime rien plus que transgresser les limites et tutoyer le point de rupture.

Ici, le noir est d’une incroyable subtilité. Face aux colonnes monumentales d’Aurélie Nemours, la façade en inox joue avec le ciel breton, passant du noir intense au gris brillant, jusqu’au noir bleu, selon l’heure et la lumière. A l’arrière, il se fait anthracite, sur un cube de béton pigmenté.

Le seuil d’entrée franchi, je me suis trouvé plongé dans un univers d’une puissance que seuls les vrais créateurs sont capables d’imposer. Face à moi, la forme étrange d’un monolithe échappé d’un film de science-fiction, avec ses faces cassées, et ce rouge porté  par des panneaux laqués. Le rouge Beck, qui tire un peu sur l’orange. La boîte/sculpture, qui abrite un auditorium, paraît posée comme un dirigeable échoué là je ne sais trop comment.

Volumes neutres, blanc contrastant avec l’univers précédant, les trois salles d’exposition sont au premier niveau. Construite en porte-à-faux, la plus grande flotte au-dessus du hall d’entrée, dans un langage renversant les équilibres entre le lourd et le léger. Dans ce bâtiment sans véritable centralité, la découverte passe par de savantes mises en abîme, séquencée par une succession de passerelles, rampes et escaliers très lents. L’invitation à la déambulation est évidente, rythmée par une progressivité qui transforme cette promenade aléatoire en une sorte de parcours intérieur initiatique.